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D’UNE COCODETTE


de mon mari, telles étaient les conversations que nous avions ensemble. Quoique j’eusse déjà le goût de la toilette, quoique le mariage n’eût fait que développer encore en moi la passion des chiffons, il me semblait souvent que, entre deux nouveaux mariés, il aurait pu y avoir de plus sérieux sujets de méditation et d’épanchement. Je m’étais figuré, comme toutes les jeunes femmes l’eussent fait à ma place, que mon mari s’attacherait à cultiver mon esprit et former mon cœur.

Malheureusement pour lui et pour moi, ma personne matérielle, seule, l’intéressait.

Pour obéir aux prescriptions qu’il m’avait indiquées, qui me paraissaient naïves[1], originales, et répondaient d’ailleurs à mon inclination personnelle, j’opérai une transformation radicale dans toute ma personne. La première, à Paris, j’eus le courage de renoncer aux cages en fer et à la crinoline. Je me fis faire des robes collantes et longues, qui me moulaient tout le corps, me serraient les épaules, les hanches, et découvraient mes pieds, dont j’étais très coquette, mon mari affirmant que les jolis pieds étaient faits pour être montrés, et que c’était aux femmes qui avaient les pieds difformes[2] de les cacher.

  1. Variante, ligne 14, au lieu de naïve ; lire : neuve.
  2. — ligne 25, au lieu de les pieds difformes ; lire ; des pattes de singe.
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