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D’UNE COCODETTE


homme vulgaire. Je ne ressemble à qui que ce soit[1], et, quand je serai mort, on ne verra[2] plus ici-bas d’original de mon espèce. Vous allez en juger. Dans toute mon existence, je n’ai jamais eu qu’une passion, passion ardente, indomptable : celle des femmes, ou plutôt « de la femme ». Cette passion ne s’est pas éteinte en moi avec la fougue de la jeunesse ; au contraire. La maturité de l’âge n’a fait que la rendre plus vive. C’est pour la satisfaire en toute sécurité que je me suis donné le luxe de vous épouser. Après avoir longtemps expérimenté la possession des femmes qui passent pour les plus belles, fatigué de ne pouvoir jamais parvenir à en rencontrer une qui approchât de la perfection, ou, tout au moins, qui satisfît mon goût, je finis par tomber dans un profond découragement.

Et il y avait un peu de quoi. Les femmes qui voulurent bien se donner à moi ne manquaient ni de charme, ni de beauté ; mais chacune d’entre elles péchait par quelque côté contre mon désir. L’une était blonde, j’aime les brunes ; une autre était petite, ou de taille moyenne, et je préfère les grandes femmes ; une autre encore, quoique jolie, avait les pieds mal faits, ou elle

  1. Variante, ligne 1, au lieu de qui que ce soit ; lire : âme qui vive.
  2. Variante, ligne 2, au lieu de verra ; lire : reverra.