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SOUVENIRS


Comme je me débattais, mon peigne tomba ; et mes cheveux noirs se déroulèrent dans toute leur longueur, c’est-à-dire jusqu’à mi-jambes.

Alors, ce ne fut plus de l’admiration, mais de l’extase. Il fallait que je fusse, en réalité, admirablement belle.

Jamais je n’aurais cru que pouvait aller aussi loin le ravissement chez un homme, surtout à l’occasion d’une femme nue. Celui-ci ne cessait de s’exclamer[1]. On aurait dit qu’il ne pouvait goûter aucun plaisir, s’il ne l’assaisonnait du plaisir de parler.

Il me disait que j’étais la plus belle des femmes, que jamais il n’avait vu de femme qui pût m’être comparée, que je possédais toutes les beautés qui lui plaisaient le plus, qu’il préférait ; à l’entendre, « mes bras, mes jambes, mes pieds, étaient autant de merveilles. » Et puis, il s’écriait, en tournant autour de moi :

— Dieu, que tu es grande ! Dieu, que tu es mince ! Comme tes formes sont élégantes et sveltes ! Tu me sembles plus grande encore !

Après cela, il me faisait tourner tantôt d’un côté, et tantôt d’un autre, lever les bras en l’air et me renverser en arrière ; et puis, il ne cessait de répéter que ce qu’il y avait de plus beau en

  1. Variante, ligne 10, au lieu de s’exclamer ; lire : se récrier.