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SOUVENIRS


inconnu terrible. Les caresses de mon mari ne me causaient pas de répulsion, mais j’étais obligée de faire les plus grands efforts pour me soumettre avec résignation à ses désirs.

Ses désirs, cependant, me semblaient parfois bien étranges. Il m’avait fait asseoir sur un canapé, et, se plaçant à deux genoux par terre, devant moi, il[1] avait enlevé mes souliers de satin blanc, puis mes bas, et baisant mes pieds nus avec une avidité singulière, en s’extasiant sur leur beauté. Me souvenant à temps des conseils de ma tante, je le laissai faire, sans mot dire. J’avais peut-être l’air bien sot ; mais la situation était si nouvelle pour moi, et j’éprouvais une

  1. Variante, ligne 8, après il ; lire : me tenait les discours les plus passionnés. Pour mon malheur, mon pied, « mon double pied », comme il disait, si finement chaussé, dépassait le bord de ma robe. Il s’en aperçut tout à coup. Le saisir dans ses mains, me demander assez lestement la permission de le baiser, furent l’affaire d’une seconde. Puis, sans attendre cette permission, il se mit à me déchausser. Il avait enlevé mon soulier. Je ne pus m’empêcher de pâlir en sentant ses deux mains monter le long de ma jambe pour dégrafer ma jarretière. Quand la jarretière fut tombée, il se mit à tirer le bas qui résistait un peu, ayant été imprimé sur mon pied, avec ses broderies, par la pression du soulier. Enfin le bas fut enlevé. Alors il se jeta sur mon pied nu et le baisa à plusieurs reprises avec une avidité qui faisait peur. On aurait dit qu’il voulait le manger.