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SOUVENIRS


On se marie pour mille raisons et sous mille prétextes. Mais le mariage, au fond, n’a qu’un but, c’est de faire des enfants. Ah ! ma foi, le mot est lâché.

Je sautai de mon siège.

— Faire des enfants ! m’écriai-je. Les enfants se font donc ?…

— Oh ! mon Dieu, comme les petits chiens, ni plus ni moins. Est-ce que tu en es encore, à ton âge, à croire qu’on les trouve sous les choux ?

— Dame ! ma tante…

— Pauvre sotte ! fit-elle. Qui voudrait croire, en l’entendant, qu’elle est la fille d’un savant du plus grand mérite ? Non, ma chère, il est temps que tu l’apprennes, les enfants ne se trouvent pas sous les choux. Les femmes les portent pendant neuf mois dans leur ventre. Elles les mettent au monde au risque de leur vie, en endurant d’épouvantables douleurs. Est-ce que tu n’as jamais rencontré, est-ce que tu n’as jamais entendu parler de femmes enceintes ?

— Mais si ! ma tante.

— Eh bien, c’est cela. Tu y es.

— Tout à l’heure, repris-je, vous parliez de différences physiques…

— Sans doute. Si ces différences n’existaient pas, les enfants ne se feraient pas. L’espèce humaine disparaîtrait de la surface de la terre.

— Le beau malheur ! m’écriai-je.