Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
D’UNE COCODETTE


par bon ton, mon adorateur. J’avais refusé plus de vingt partis, me croyant en mesure de me montrer difficile, quand enfin il s’en présenta un que je fus, pour ainsi dire, obligée d’agréer.

Tout le monde a connu le marquis de B***. Lorsque je le vis pour la première fois, il passait pour avoir plus de quarante ans, avait l’air distingué, légèrement sceptique, ne s’était jamais occupé que de sport, et s’était fait une sorte de réputation de viveur aimable et bon enfant, par la fréquentation presque quotidienne des artistes et des journalistes.

Il avait eu, me dit-on plus tard, deux ou trois intrigues avec des femmes de théâtre, qui l’avaient promptement aidé à dépenser une belle somme gagnée au club, aux courses, à la Bourse, peut-être un peu aussi de son patrimoine.

On le disait joueur, ce qui ne m’allait guère, et généreux, ce que je ne pensais pas être un grand mal. Sa famille était de vieille et bonne noblesse.

Il me vit au théâtre, s’amouracha de moi, sans m’avoir dit un mot, se fit présenter à mes parents par l’homme qui était le mieux vu chez nous, c’est-à-dire par M. Gobert, ne craignit pas, pour s’avancer, de faire un doigt de cour à ma mère, et, précisément à l’instant où je pensais qu’il allait être appelé à l’honneur de succéder à mon parrain il vint un matin chez mon père, à l’heure où ma mère et moi n’étions pas encore habillées, et