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SOUVENIRS


À l’entendre, « il m’aimait de toutes les forces de son âme, il n’avait jamais aimé, il ne voulait jamais aimer que moi. J’avais été la douce, poétique et ravissante compagne de son enfance. Il espérait que je serais celle de toute sa vie. »

Le discours me plaisait, mais les attouchements qui continuaient grand train me mettaient au supplice.

Je lui dis :

— Si tu es sincère, ton bonheur ne dépend que de toi-même. Tu n’as qu’à demander ma main à mon père. Tu sais qu’il t’aime comme un fils, il ne te la refusera certainement pas.

Alfred se serrait de plus en plus contre moi. Il osa même me donner sur le cou, sous mes cheveux, un long baiser qui me brûla comme un fer rouge.

— Oh !… dit-il, nous ne nous entendons pas, ma chère Aimée. Ce n’est pas de mon oncle que je veux te tenir, c’est de toi seule.

Et, ce disant, à ma grande indignation, le voilà qui recommence à m’embrasser, à me presser contre sa poitrine, voulant à toute force disposer de ma main, pour l’employer à je ne sais quelles caresses, dont je n’avais pas la plus faible idée, mais qui, d’instinct, me causaient une répulsion insurmontable.

Les confessions de Jean-Jacques Rousseau, circulant librement, sont dans toutes les mains.