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facile. On n’y sent point ces grands coups d’aile de la destinée, qui prennent un homme très bas pour l’emporter très haut, et, après l’avoir élevé, brutalement le précipitent. Il n’a connu ni les grands sommets d’où l’on commande aux peuples ni les abîmes profonds ouverts sous les pas, parmi les chocs des catastrophes retentissantes à qui l’avenir donnera un caractère de légende et d’épopée. Plus simple est son passé, et encore qu’il ait été associé aux événements les plus pathétiques de son temps, il n’y a pas tenu un rôle décisif. Il y a figuré sans les diriger, et sa mémoire n’aura pas à se débattre sous les lourdes responsabilités qui en ont écrasé ou amoindri d’autres.

Ecrivain, professeur, philosophe, il a tracé son sillon, sans cesser un seul jour de se montrer digne de ce qu’il parvenait à conquérir ; homme politique, ardent, passionné dans ses revendications, il a pu encourir le ressentiment de ses adversaires, jamais leur mépris. Il ne s’est rendu coupable d’aucune apostasie ; il n’a pas adoré ce qu’il avait brûlé, ni brûlé ce qu’il avait adoré ; il ne s’est fait l’instrument d’aucune dictature ; il a combattu sans relâche les