le silence et l’engourdissement de son existence, qui lui faisait connaître la vie et la passion, qui éveillait en elle un amour contre lequel elle avait courageusement lutté, et qui avait enfin triomphé de ses scrupules, comme de ses doutes et de ses hésitations.
Browning lut ces vers avec émotion et avec admiration. Il ne voulut pas admettre que lui seul en dût goûter la fière beauté ; il décida l’auteur à les publier. Elizabeth proposa de les présenter comme une traduction du Bosnien. « Non pas » dit Browning, « mais bien du Portugais, ce sont les sonnets de Catarina. C’était le nom de cette maîtresse dont Camoëns avait chanté les yeux « les plus doux yeux qui aient jamais été ». Elizabeth Barrett avait rappelé ce souvenir dans Lady Geraldine, et l’un de ses poèmes exprime les adieux de Catarina mourante à son amant absent. Browning, dit-on, appelait parfois sa femme sa petite Portugaise. Voilà comment les sonnets, imprimés en 1847, furent publiés, en 1850, sous leur titre énigmatique.
Nous n’avons pas à raconter la fin du roman. On sait que les deux poètes vécurent pendant seize ans d’un parfait bonheur. Pour qu’elle pût connaître toutes les joies d’une vie de femme, Elizabeth Browning eut un fils, qui naquit à Florence en 1849. Leur existence se passa dans différentes villes d’Italie, mais surtout à Florence où la maison qu’ils occupaient est restée célèbre. Quelques voyages à Paris et à Londres les rapprochaient parfois de leurs amis. Tous deux se passionnèrent pour la cause de la délivrance de l’Italie. Mais, ni cette préoccupation des choses politiques, ni leur bonheur intime ne fit tort à leur production poétique. Elizabeth publie, en 1851, Casa Guidi’s Windows ; en 1857, Aurora Leigh, son chef-d’œuvre, dédié à Kenyon ; en 1860, ses Poems before