de patience et d’abnégation, sentait que la vie même de celle qu’il aimait était en jeu, et qu’il ne la sauverait qu’en l’arrachant à cette prison où elle se consumait lentement. Il obtint de sa frêle Desdémone, après une longue résistance, qu’elle se prêtât à un mariage secret.
Le 12 septembre leur union fut consacrée à l’église de Marylebone. Elizabeth rentrait aussitôt chez son père, mais huit jours après, Browning l’emportait loin de cette triste rue de Wimpole, loin du brumeux automne de l’Angleterre, à Paris où ils ne s’arrêtèrent que deux jours, puis vers le Midi, à Avignon, aux sources de Vaucluse, où, la portant dans ses bras, il traversa « l’eau claire et fraîche et douce » pour l’asseoir sur la roche où Pétrarque avait eu la vision de Laure ; enfin ils s’embarquèrent à Marseille pour Gênes, et passèrent l’hiver à Pise.
Browning avait été bon prophète ; l’amour et le bonheur furent de grands médecins. La jeune femme prenait chaque jour des forces nouvelles ; les amis qui la voyaient après quelques mois témoignaient une surprise charmée. Malgré l’obstination du père, qui jamais ne voulut accepter le fait accompli, et dont l’affection pour sa fille préférée fit place à un inflexible ressentiment, Elizabeth Barrett Browning s’épanouissait, au soleil de l’Italie et aux chauds rayons de l’amour. « Pour la première fois de ma vie je connais le bonheur, » écrit-elle le 5 nov. 1846.—Pendant qu’ils étaient à Pise, au commencement de l’année 1847. on raconte qu’un jour elle s’approcha de son mari penché à une fenêtre, lui glissa dans la poche un petit cahier de vers, et s’enfuit pendant qu’il les lisait. Ces vers étaient les quarante-trois sonnets écrits par elle pendant la période qui s’écoula entre leur première entrevue et leur mariage. Ce sont les cris d’amour qu’elle adressait, sans qu’il s’en doutât, au héros de féerie qui était venu rompre