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son étude favorite, et elle étend singulièrement le champ de ses lectures : elle s’occupe avec un intérêt passionné de Silentiarius, Jean Mauropus, Pisida, Synésius et Jean Damascene. « Vous n’aimez pas beaucoup Silentiarius, puisque vous l’avez gardé si longtemps ! » écrit-elle à un vieil ami. « Je ne dis pas qu’il ait la valeur de Grégoire de Naziance, oh ! non ! Et Jean d’Euchaita vaut tous les deux à lui seul, n’est-ce pas ? Synésius et Jean d’Euchaita, voilà de bons et nobles esprits ! »[1] — Heureusement ces auteurs là ne lui font pas oublier les maîtres païens. Ses lettres expriment un enthousiasme extrême pour Eschyle, Sophocle et Platon. Elle traduit en vers le Promethée enchaîné. L’œuvre, du reste, n’eut pas grand succès, et elle reprit plus tard son travail pour le refondre entièrement.

Sa santé cependant était de plus en plus précaire ; les médecins recommandèrent un hiver dans le midi. M. Barrett l’envoya à Torquay,le Nice de la côte anglaise... avec quelques différences. Le changement eut de si heureux résultats que l’on commençait à espérer une guérison complète, quand un terrible malheur vint frapper la fragile jeune femme. Son frère favori, qui était venu passer quelques jours avec elle, se noya dans une promenade en bateau. Le choc fut tel pour Elizabeth qu’elle ne semblait pas devoir y survivre. Sa vie entière resta empoisonnée du souvenir de cette catastrophe. Non seulement pendant cet hiver, dit-elle, mais souvent plus tard dans mes rêves, « le son des vagues résonnait à mes oreilles comme les gémissements d’un mourant. » Il fallut attendre un an pour qu’elle pût supporter la fatigue d’un voyage. De

  1. Cité par Mme Mary Duclaux. Grands Écrivains d'Outre-Manche, p.182.