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LA RETRAITE DE Mme DE MONTCORNILLON


qu’il devait m’en coûter. Pendant vingt ans j’ai souffert comme un malheureux. Comme vous, madame, j’étais continuellement tenté ; vous voyez des hommes en rêvant, et moi je voyais des femmes jour et nuit. Si je chassais une mauvaise pensée, il m’en venait trente ; et quand les pensées ne me tourmentaient pas, c’étaient mes sens qui me démangeaient. Un forçat souffre moins en galère que je souffrais d’être seul dans ma cellule. Ma vie était celle d’un enragé. Vingt fois, dans mon désespoir, je voulus déserter le couvent ou me casser la tête contre les murs du dortoir. Je n’en fis pourtant rien, parce que je craignais Dieu, mais je n’en souffrais pas moins, et je ne me plais dans mon état que depuis que mes sens sont refroidis. L’âge amène les réflexions et je vois que la solitude ne convient en aucune façon à la jeunesse, soit homme, soit femme. Madame en fera ce qu’elle jugera à propos ; mais si elle en croit le père Bonhomme, elle mènera une vie un peu moins sauvage. Dites-moi un peu ce que pendant la journée vous faites toute seule. — Je prie Dieu, je fais l’oraison mentale et des lectures spirituelles dans Nicole et dans Letourneur. — Ces messieurs en penseront