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LA RETRAITE DE Mme DE MONTCORNILLON

Cette prière fut moins une oraison vocale que l’élan d’une âme pleine d’amertume, de ferveur et de confiance. Lorsque Mme de Montcornillon eut fait à Dieu sa demande, elle se coucha et s’endormit.

Que croit-on qu’il advint à notre jeune veuve pendant son sommeil ? Le contraire de ce qu’elle avait demandé à Dieu. Toute la nuit elle se crut dans les bras de Joachim, comme autrefois elle pouvait être dans ceux de son mari, se prêtant à tous ses désirs et à tous ses transports, recevant amoureusement ses baisers et lui prodiguant les siens, ne pouvant se rassasier de ses caresses, ni se lasser de lui en faire, ne finissant une lutte d’amour que pour en commencer une nouvelle. Jamais illusion ne ressembla autant à la réalité. J’ai connu bien des dévotes qui, après un pareil songe, eussent remercié Dieu de leur avoir fait goûter, et cela sans pécher, du fruit de l’arbre défendu. Il n’en fut pas ainsi de notre veuve ; elle était vertueuse et n’était point dévote.

À son réveil, et toute baignée de sueur, elle se jette hors du lit et le front contre terre : « Vous êtes, ô mon Dieu, dit-elle dans son désespoir, vous êtes un Dieu ou trompeur ou barbare. Vous avez promis d’exau-