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LA RETRAITE DE Mme DE MONTCORNILLON


Oui, me tuer, et pourquoi ne me tuerais-je pas, si j’en ai envie ? Qui pourra m’en empêcher ? Ce ne sera certes ni l’ami Dorat, ni l’ami Baudeau, ni l’ami Louis, ni l’ami Le Blanc, ni l’ami qui se dit l’ami des hommes[1] et qui, dit-on, n’est que l’ami des moines et l’ennemi de toute sa famille. Tous ces amis-là se trouvent bien en ce monde, la cage leur plaît ; ils peuvent y rester ; moi, je m’y ennuie et j’en veux sortir au plus tôt.

Tant que j’ai été un peu utile au genre humain, je me suis assez plu dans cette cage. J’y travaillais aux Éphémérides du citoyen. En vérité, en vérité, c’est bien le meilleur ouvrage qu’on ait jamais imaginé pour le bonheur des hommes. On a supprimé cet ouvrage ; depuis ce moment-là, soit que les choses aient perdu de leur qualité, soit que mon goût soit changé, je ne trouve rien de bon. Le pain ne me paraît plus aussi savoureux ; la volaille me semble mal engraissée ; les comédiens me paraissent mauvais, les prédicateurs insolents et les philosophes poltrons. En dix ans je n’ai vu qu’un ouvrage utile ; et quelques malheureux robinocrates qui font les entendus en parlant

  1. Le marquis de Mirabeau.