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Les pommiers de la route, aux pétales rosées,
Semblables aux bouquets des jeunes épousées,
Prêtaient leur ombre douce aux oiseaux du chemin,
Qui, perchés sur le faîte, au lever du matin,
Leur payaient en chansons, en joie, en poésie,
La place réservée ou qu’ils avaient choisie.
La ferme respirait un parfum de bonheur.
On comptait sur le gain du brave laboureur,
(Chaque épi représente une sainte espérance
Chez ces pauvres banquiers de notre riche France !)
Et le soir, à genoux, et le front incliné
Chacun rendait à Dieu ce qu’il avait donné.

Mais l’Ange du malheur était là qui, dans l’ombre,
Guettait l’occasion d’une revanche sombre.

« Serait-ce donc en vain qu’on aurait pu me voir
« Abuser des effets de mon vaste pouvoir ?
« Je n’aurais abaissé cette fierté rebelle
« Que pour la voir renaître et plus grande et plus belle,
« Et du Rhin à la Seine, en vain j’aurais jeté
« L’ivraie à pleines mains sans qu’elle ait rapporté ?
« Non ! puisque malgré tout on s’oppose à ma rage,
« Il faut recommencer mon fatidique ouvrage
« Et tâcher cette fois de réussir ! »

 Il dit,
Se lève, et prend son vol du côté du midi.

Entendez-vous, au loin, ces funèbres colères ?
Ces sourds gémissements qui, comme des tonnerres,
Cent fois répercutés par des échos affreux,
Paraissent un combat des éléments entre eux ?