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LES DEUX TESTAMENTS

VIII

Vers la fin d’une belle journée de mai, Joe et Marie Louise étaient assis sur le banc rustique au fond du jardin de Mde Prévoit, car elle possédait un jardin, cette bonne dame.

Tous les cottages de ce temps là avaient des jardins, mais ainsi que les cottages, les jardins frais et fleuris sont disparus pour toujours.

On n’était encore qu’au commencement du mois, et il n’y avait que quelques fleurs d’épanouies. Cependant les lilas dont il y avait un massif près du banc rustique, étaient déjà ouverts, et leur parfum délicieux se répandait partout aux alentours.

On venait de terminer le souper et Mde Prévost était encore occupée dans sa cuisine. M. Prévost fumait tranquillement sur le perron, regardant sans les voir les spirales de fumée bleue qui s’échappaient de sa pipe chérie.

Les deux jeunes gens pouvaient donc causer sans contrainte ; cependant, ils conservaient tous deux un silence mélancolique.

Joe rompit enfin le silence.

— Comme cela, vous partez après-demain, Mlle Bernier ?

— Oui, il le faut, répondit la jeune fille en soupirant. J’aurais préféré rester encore quelques temps, mais papa m’écrit que lui et maman s’ennuient beaucoup.

— Ils ne s’ennuient pas tant que je m’ennuirai moi, quand vous serez partie, dit tristement Joe.

Voyant que la jeune fille ne répondait pas il continua :

— Le temps a passé bien vite, depuis que vous êtes ici. Il me semble qu’il ne peut y avoir déjà un mois que vous êtes arrivée.

— C’est vrai, répondit naïvement Marie Louise, le temps a passé bien vite.

Quelques instants de silence succédèrent à ces paroles. Enfin, Joe reprit :

— Est-ce que vous ne regretterez pas un peu ceux que vous laisserez derrière vous, quand vous serez rendue chez vous ?

— Cela ne peut se faire autrement, car tout le monde a été bon pour moi ici, mais Mde Prévost et son mari vont peut-être venir nous