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LES DEUX TESTAMENTS

aux yeux, elle resta pensive pendant longtemps.

Enfin elle me dit.

— Écoute, mon petit garçon. Mon mari et moi, nous sommes à l’aise ; nos enfants sont tous mariés et établis chacun chez eux : il n’y a rien qui nous empêche de te garder avec nous, si tu veux bien rester.

Mon mari sera aussi consentant de te garder que moi même, j’en suis sûre. Tu seras comme un autre enfant pour nous.

Voyons, qu’en penses tu ? Veux-tu rester avec « notas ?

— Je restai longtemps sans répondre, car je ne savais que penser. S’il faut le dire, l’idée de me rendre à New York, me tenait bien en tête ; et puis j’étais fier, malgré ma jeunesse, et la pensée d’être dépendant chez des gens qui n’étaient rien pour moi ne me plaisait pas autant que celle de gagner ma vie, moi même, comme je ne doutais pas que je puisse le faire, si je parvenais à me rendre à New York.

La femme qui semblait deviner mes pensées voyant que je ne répondais pas, reprit.

— Tu comprends, mon cher enfant que tu pourras trouver mille manières de nous rendre ce que nous ferons pour toi.

Un petit garçon de bonne volonté n’est jamais inutile dans une maison, surtout chez des cultivateurs.

Comme ça, tu ne te sentiras pas à charge.

Quant à ton idée de te rendre à New York, je t’assure qu’il faudra bien que tu en démordes.

Tu ne sais donc pas qu’il te faudrait plusieurs semaines pour faire ce trajet, et que tu n’es pas assez grand, ni assez fort pour l’entreprendre ?

Sois raisonnable mon garçon, et reste avec nous.

Dans tous les cas, que ferais-tu à New York. Tu ne sais pas l’anglais. Penses-tu qu’un jeune enfant comme toi pourrait se suffire à lui-même. Crois-moi, renonce à ton projet. C’est la Providence qui t’a envoyé ici, et qui m’inspire l’idée de te garder.

— Je restai comme le voulait la bonne femme, et je devins bientôt comme l’enfant de la maison.

Comme l’avait dit la bonne femme, je trouvai l’occasion de rendre mille services qui les récompensaient du bien qu’ils me faisaient.

Je vécus avec ces bonnes gens jusqu’à l’âge de seize ans, et peut-être y vivrais-je encore si une catastrophe n’eut changé tout à coup leur destinée et la mienne.

Une nuit un incendie se déclara dans les bâtiments qui attenaient à la ferme.