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LES DEUX TESTAMENTS

Mde Bonneville, dit Joe Allard un peu émotionné. Seul et malheureux comme je l’ai toujours été. j’ai souvent désiré d’avoir des parents.

Depuis que je viens dans cette famille, je me sens plus heureux.

Emma ne disait rien, mais ses beaux yeux pleins de larmes en disaient plus long que des paroles n’auraient pu le faire.

Elle se sentait bien heureuse en ce moment, car les dernières paroles du jeune homme semblaient confirmer ses plus chères espérances.

Après quelques instants de silence, il reprit le fil de sa narration.

— Je quittais donc Montréal avec la résolution de me rendre à pied jusqu’à New York.

Il faut vous souvenir que je n’avais que dix ans, alors, et que j’étais bien naïf et bien ignorant pour mon âge.

Je marchai donc toute une journée, ne m’arrêtant que pendant une demie heure pour manger une partie du pain que j’avais acheté en quittant Montréal.

Quand la nuit fut venue, je me blottis sous un massif de buissons, où il me semblait que j’y serais tant soit peu en sûreté, et malgré la crainte que j’y éprouvais de me trouver ainsi seul sur le chemin dans la nuit sombre, je finis par m’endormir profondément, et je ne me réveillai qu’au matin. Je me levai aussitôt, et après avoir mangé le reste de mon pain, je me remis en route.

Je marchai encore jusque dans l’après midi, mais me sentant devenir de plus en plus épuisé, je me décidai à demander l’hospitalité dans une des fermes où je passais.

J’eus le bonheur de m’adresser à des braves paysans qui me reçurent avec autant de bonté et de cordialité que si j’avais été un parent.

S’apercevant de mon état d’épuisement et de faiblesse, ils me firent coucher dans un bon lit, me firent boire de la tisane, et me donnèrent tous les soins que je semblais réclamer.

Le lendemain, me sentant mieux, je voulus partir après les avoir remercié de tout mon cœur, mais ils ne voulurent pas en entendre parler.

Je consentis donc à rester encore une journée et une nuit, me promettant bien de partir le lendemain.

Mais pendant cette journée, la femme, qui était intriguée sur mon compte, fit si bien qu’elle me fit avouer d’où je venais, où j’allais, pourquoi etc.

Quand elle eut appris toute mon histoire qui lui fit venir les larmes