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LES DEUX TESTAMENTS

CHAPITRE VI

Jusques à l’âge de huit ans, j’ai vécu à Montréal, dit Joseph Allard.

Orphelin depuis ma plus tendre enfance, j’avais été recueilli par ma grand’mère qui m’adorait et me choyait.

Aous habitions une maison de pierre grise, devant laquelle, il y avait de grands arbres.

C’est tout ce que je m’en rappelle.

Ma grand’mère avait l’habitude de s’asseoir dans une grande chaise berçante, près de la fenêtre ; je m’asseyais à ses pieds et elle me contait des contes. Voilà encore un de mes souvenirs.

J’aurais vécu bien heureux avec elle, si ce n’eut été pour un oncle, le mari de ma tante qui était morte quelques années après ma mère, selon ce que j’ai entendu raconter.

Cet homme qui était froid et sévère m’inspirait une aversion profonde, que je ne pouvais surmonter.

Je sentais qu’il ne m’aimait guère, lui.

Tout en me gâtant, ma grand’mère savait me faire obéir au besoin.

Mais il n’en était pas de même de mon oncle. Il suffisait qu’il me donna quelques ordres, ce qu’il faisait toujours d’une manière désagréable et dédaigneuse, pour qu’il me prît envie de résister.

Cet entêtement de ma part amena un jour une chicane sérieuse entre lui et moi.

Il finit par me souffleter et alors, je m’élançai sur lui comme un tigre, l’attaquant avec les pieds et les poings.

Cela me donna une satisfaction momentanée, mais malheureusement, mon oncle était rancunier et sournois.

Au bout de quelques semaines j’appris que je devais quitter ma grand’mère pour entrer dans une école de frères de campagne.

Cette nouvelle me jeta dans un désespoir violent et je devins sombre et taciturne.

Ce fut encore pis quand je fus rendu à l’école. J’étais comme un vrai petit sauvage. Les élèves voulurent d’abord me faire un bon accueil, mais je les reçus si froidement qu’ils finirent par me prendre en haine, bien que je ne songeais jamais à leur faire de mal. Tout ce