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LES DEUX TESTAMENTS

mari, mais il ne peut tarder à venir.

M. Allard était un jeune homme qui pensionnait depuis quelques mois chez les Prévost.

Aimable et sympathique, il avait su conquérir l’amitié et l’estime des époux qui le traitaient comme un parent plutôt que comme un pensionnaire.

En effet, il ne tarda pas à rentrer. Sans être précisément beau, il était intéressant et gracieux.

D’une taille moyenne, mais souple et élancée, sa démarche aisée formait un contraste avec les manières un peu gauches et raides du mari de Mde Prévost.

Il était brun, et pâle à l’ordinaire, bien qu’en ce moment son teint fut animé par le froid et le vent qui l’avait fouetté en pleine figure.

Son visage était sérieux, mais ne manquait pas de douceur.

Ses yeux étaient grands, noirs, et rêveurs ; cependant, ils pouvaient se ranimer parfois, et changer complètement l’expression de son visage.

Une moustache noire et soyeuse ombrageait sa lèvre supérieure.

Ses cheveux aussi étaient noirs et légèrement frisés.

Ce qu’il avait de plus agréable, c’était son sourire franc, gai, et légèrement railleur, mais non pas d’une raillerie antipathique.

Il paraissait âgé de vingt-cinq à trente ans.

Après avoir mangé de bon appétit, et fumé un cigare en compagnie de M. Prévost, il remit son pardessus, prit son chapeau et se disposa à sortir.

— Où allez vous donc, par ce temps là, M. Allard ? demanda Mde Prévost.

— Je vais faire un bout de veillée chez les Bonneville. Est-ce que vous n’auriez pas envie de venir avec moi ?

— Merci bien ; j’en viens ; et le vent est trop incommode. Et toi, mon vieux, as tu envie d’aller chez les Bonneville ?

— J’pense pas, déclara sentencieusement M. Prévost. J’ai été assez ballotté par ce vent abominable. Je m’endors et je compte me coucher de bonne heure, ce soir.

— C’est bien, j’irai bien tout seul. Bonsoir donc ! et il partit sans avoir l’air de redouter le vent qui s’engouffrait avec fracas dans la rue sombre.