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LES DEUX TESTAMENTS

composent à l’ordinaire, sont en général aussi sombres (éclairés comme ils le sont par des conduits de quelques pieds de largeur), et aussi lugubres que des cellules de prisons.

Cependant, quelques rues conservèrent plus longtemps leur aspect gracieux d’autrefois.

Une de ces rues est la Quatre-vingt-troisième, qui garda longtemps ses jolis cottages à parterres fleuris, et les beaux arbres qui l’ombrageaient sur presque toute sa longueur.

Hélas ! les jolis cottages s’en vont les uns après les autres aujourd’hui pour être remplacés par le flat envahisseur.

Mais en 1882, l’œuvre de destruction n’était pas encore commencée.

Mde Prévost, la cousine de Mde Bernier, occupait alors un de ces cottages attrayants, et c’est vers cet endroit qu’elle se dirigea en quittant la demeure des Bonneville qui demeuraient, eux, dans la Quatre-vingt-unième rue.

Malgré le vent qui entravait sa marche, elle ne mit pas grand temps à parcourir la distance qui la séparait de sa maison, où elle arriva, un peu essoufflée, mais joyeuse et de bonne humeur.

Son mari, un contremaître plâtrier, qui était grand et aussi mince que sa femme était grosse et ronde, était déjà arrivé et demanda à sa femme, d’un air tant soit peu indigné, d’où elle venait, et si elle comptait le faire jeûner ce soir là.

Mde Prévost, qui connaissait bien le caractère de son mari, ne répondit à ces questions que par un sourire aimable et, tout en préparant le souper à la hâte, elle se mit à lui raconter ce qu’elle appelait l’événement de la journée.

Subitement intéressé, M. Prévost oublia qu’il avait faim, et ne songea plus à son repas en retard, jusqu’au moment où sa femme, ayant terminé ses préparatifs, l’invita à se mettre à table.

La maison de Mde Prévost était propre et confortable. Sans être d’une grande richesse, son mobilier était joli et de bon goût.

Un serin doré s’agitait dans une cage. Un petit chat gris s’étirait paresseusement sous le poêle de la salle à manger.

Enfin tout dans cette maison annonçait une grande propreté et beaucoup d’ordre.

Les deux époux venaient de se mettre à table, quand Mde Prévost dit tout à coup.

— Mais où est donc M. Allard. N’est-il pas rentré encore ?

— Non, pas encore, répondit son