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LES DEUX TESTAMENTS

t’informer chez qui nous irons là, à New York.

— C’est vrai, papa, connaissez-vous quelqu’un là ?

— Certainement, ma fille, et il lui raconta la conversation qu’il avait eu avec sa mère à ce sujet.

Marie Louise ne pouvait contenir sa joie.

Blasée et envoyée qu’elle était de tout ce qui l’entourait, la perspective d’un voyage, surtout un voyage à New York, lui rendait la gaieté qu’elle semblait avoir perdue depuis quelque temps.

Son père était ravi de l’effet qu’avaient produit ses paroles.

— Puisque tu es consentante dit-il, nous allons écrire à Mde Prévost, la cousine de ta mère, et nous ferons tous les arrangements pour partir aussitôt que possible.

— Oh ! oui, papa, car j’ai bien hâte de partir. Mais maman viendra avec nous, n’est-ce pas ?

Le changement d’air lui fera du bien, à elle aussi.

— Non ; ta mère ne tient pas du tout à ce voyage, et elle ne veut pas entendre parler de laisser la maison aux soins des servantes. Cependant si tu pouvais la décider à venir avec nous, je serais plus heureux.

Mais les instances de Marie Louise n’eurent pas le pouvoir de fléchir la détermination de sa mère.

— Toujours la même, dit Bernier avec amertume.

Autant sa présence est essentielle à mon bonheur, autant la mienne lui est indifférente et même désagréable.

Sa pensée se reportait vers le temps où il avait cru qu’il lui suffirait de devenir l’époux de Maria pour être à jamais heureux, au temps où il avait cru qu’il lui serait facile de se faire aimer d’elle.

Vaines espérances ! L’aversion qu’elle avait d’abord éprouvée pour lui semblait s’augmenter avec les années.

— Je donnerais toute ma fortune, se disait il, pour être aimé d’elle comme l’a été Xavier LeClerc, mon misérable rival.

Hélas ! elle est tout pour moi, et moi, je ne suis rien pour elle.

Elle n’a jamais été touchée par mon amour, ma fidélité, ma patience. mon dévouement.

Froide comme le marbre elle a toujours été et sera toujours pour moi, je le crains.

Pourquoi donc ne peut-elle pas m’aimer, moi, qui l’aime tant ?

Pourtant, hormis son manque d’affection, elle est une épouse modèle. Elle ne m’a jamais donné aucun sujet de plainte ou de blâme.