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LES DEUX TESTAMENTS

faut, dit son père, un soir. Elle a besoin de changement. Après tout, ce n’est pas gai de passer toute sa vie dans le même endroit. Et la pauvre petite n’a jamais vu d’autre place que ce village et Québec.

— Nous pourrions la mener à Montréal, dit la mère. J’ai encore quelques cousins, là, elle pourrait passer le reste de l’hiver chez-eux.

— Oui, mais ce sont des gens si tranquilles, et qui sortent si peu ; crois-tu qu’elle se plairait avec eux ?

— Je ne le sais pas trop, après tout.

Il me vient une autre idée, dit-elle, après un instant de silence.

Vous savez que j’ai une cousine germaine à New York ?

— Non, je ne le savais pas.

— J’ai dû vous en parler, pourtant ; enfin elle est établie là depuis une vingtaine d’années et j’en ai eu des nouvelles dernièrement.

Quand M. Larocque est allé à New York, il y a deux mois, il s’est rencontré avec elle, et sachant qu’il venait de Beauport, elle s’est informée de moi, et m’a fait dire qu’elle aimerait bien à me voir. Sur le moment, je n’en ai pas pensé plus long, mais cela me revient à l’idée, à présent.

— Et comment sont-ils ces gens là ? sont-ils à l’aise ?

— Oui, assez à l’aise, à ce qu’il parait. Le mari a une bonne position et ma cousine qui n’a pas d’enfants, fait tout ce qu’elle veut.

Autant que je puis me le rappeler, c’était une jeune fille bien gaie, aimant le monde et le plaisir, avant son mariage, et je ne crois pas qu’elle ait changé de caractère.

Nous nous aimions beaucoup, elle et moi, et je suis certaine qu’elle serait toute disposée à bien accueillir ma fille et, d’un autre côté, je crois que Marie Louise serait enchantée de ce voyage.

— Oui, je crois qu’un voyage à New York ne manquerait pas de la distraire. Dans tous les cas, nous pourrons lui en parler pour voir ce qu’elle en dira.

En ce moment, Marie revenait de sa promenade quotidienne.

— Dis donc, Marie Louise, lui dit son père, cela te plairait-il de faire un petit voyage à New York ?

— À New York ? ah ! oui, papa, répondit la jeune fille dont les yeux s’animèrent.

— Eh bien, si tu le veux, ma chérie, tu feras ce voyage.

— Oh papa, que je suis heureuse ! dit la jeune fille en sautant de joie comme une enfant. Quand partirons-nous ?

— Pas tout de suite toujours, petite folle, il faut d’abord se préparer, et puis tu ne songes pas à