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CHAPITRE III

Depuis quelques temps, Marie Louise Bernier était atteinte d’une maladie dont rien ne semblait pouvoir la guérir : c’était l’ennui, ce mal de l’oisivité.

Entourée de tous les conforts, gâtée et choyée par ses parents, qui lui laissaient faire toutes ses volontés, et se pliaient à ses moindres caprices, elle ne se trouvait pas heureuse, cependant.

Ce n’était pourtant pas que les bals et les soirées, lui manquassent, car son père qui avait fini par mettre ses anciens préjugés de côté, ne se faisait jamais prier quand il s’agissait d’assister à un bal ou d’en donner un.

Elle ne manquait pas, non plus, d’amies de son âge ; au contraire, elle en possédait une demi douzaine qui étaient toutes, chacune à leur tour, des « meilleures amies », et pour qui elles n’avaient pas de secrets.

Quant aux amants, elle n’en aurait pas manqué non plus, si elle eut été coquette, car sa beauté, sa bonté gracieuse, et de plus son titre d’héritière eussent suffi pour lui en amener beaucoup, mais la coquetterie était un sentiment inconnu chez elle, et parmi les jeunes gens de sa connaissance, elle n’en avait rencontré aucun qui lui eut inspiré d’autre sentiment qu’une amitié fraternelle.

Elle allait aux bals pour le seul plaisir de danser, et si, parfois, un de ses danseurs assidus profitait d’une figure de contre-danse pour lui presser la main ou lui lancer une œillade bien tendre, le regard calme et étonné qu’elle levait sur lui, l’empêchait de recommencer pour longtemps.

Quant à elle, ces incidents s’effaçaient bien vite de sa mémoire, et ne l’empêchaient pas de s’amuser de plus en plus gaiement, jusques au matin.

Mais depuis quelque temps les bals et les soirées lui étaient devenus banals et ennuyeux ; son piano ne l’attirait plus ; elle ne chantait plus ses romances favorites ; et ses compagnes chéries ne savaient plus la distraire.

Ses parents ne tardèrent pas à s’apercevoir du changement qui s’était opéré chez leur fille bien aimée, et après bien des délibérations, ils en découvrirent la raison.

— Elle s’ennuie, la pauvre en-