Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
LES DEUX TESTAMENTS

Ces lettres, très longues, contenaient bien des détails qui ne laissaient aucun doute sur le véritable caractère du fourbe qui avait nom Edmond Bernier.

— Bernier ! Edmond Bernier ! murmurait Joe en lui-même. Mon oncle s’appelait donc Edmond Bernier ?

Joe avait toujours entendu sa grand’mère appeler son oncle, mon gendre ou Edmond. Quant aux frères de l’école, ils disaient toujours, ton oncle, en parlant de lui.

— Edmond Bernier ! continuait-il. Mais c’est le nom du père de Marie-Louise. Serait-il possible ? et il s’abîma dans ses réflexions.

— Mais oui, se dit-il, enfin. C’est bien ce même visage déplaisant, ces yeux gris-durs et gênants, cette façon de parler qui me donnait envie de lui sauter au visage quand j’étais enfant.

Je sentais et je comprenais déjà la fourberie et l’hypocrisie de ce misérable.

Oh ! je comprends maintenant, que ce qu’il m’a dit de Marie-Louise était faux ; faux et inventé par lui, pour me décourager et me dégoûter de sa fille qu’il voulait donner à un plus riche que moi.

Lui non plus ne m’a pas reconnu.

Il me croit mort sans doute.

Il sera agréablement surpris de me voir ressusciter.

Dans tous les cas, je vais d’abord tâcher d’arranger toutes ces affaires là en famille.

S’il veut bien me rendre une bonne part de mon héritage, et me donner Marie-Louise pour épouse, je n’en demanderai pas plus.

Je m’adresserai à la loi que dans le cas où il refuserait d’entendre raison.

Ce fut dans ces sentiments que Joe Allard se rendit à Beauport.

Une fois arrivé là, il commença cependant à se sentir un peu embarrassé.

— C’est facile d’arranger les choses de loin, se disait-il, mais entré tout à coup dans une maison d’où on est parti en colère quelques semaines avant, et dire au maître de la maison :

« Je suis votre neveu, rendez-moi mon héritage, et donnez-moi votre fille en mariage. »

C’est bien dramatique, mais c’est gênant tout de même.

Sur ces entrefaites, il arriva à la maison de son oncle.

Il commençait à faire sombre.

— Entrons toujours dans le jardin. se dit-il, et poussant la barrière, il pénétra dans le domaine de son oncle.

Comme il s’approchait de la mai-