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LES DEUX TESTAMENTS

— Écoute ma chérie, dit alors Mde Bernier. Je vais tenter une démarche qui réussira peut-être à prévenir tous les malheurs qui nous menacent. Reste ici, toi, et attends-moi.

J’aurai peut-être de bonnes nouvelles à t’annoncer à mon retour.

Sans prendre le temps de mettre un chapeau et un manteau, elle saisit un grand châle de laine, le jeta sur sa tête et ses épaules, et sortit de la maison sans avoir été observée de personne.

Une fois sur la route, elle prit le chemin de la demeure des Laplante qui se trouvaient bien à un quart d’heure de marche.

Elle était si troublée et si absorbée dans ses pensées, qu’elle ne remarquait pas que sa présence sur la route, avec un simple châle sur la tête, elle qui ne sortait ordinairement qu’en voiture et en toilette soignée, attirait l’attention de tous les gens du village.

— Que se passe-t-il donc chez M. Bernier, se demandait-on, et les commérages allaient leur train comme on le pense bien.

Enfin, elle arriva chez le père Laplante.

En la voyant entrer ainsi, pâle haletante, et les cheveux en désordre, sous le châle qui lui couvrait la tête, Mde Laplante qui était debout sur son perron, faillit perdre la tête.

— Mais, Mde Bernier ! commença-t-elle, mais elle ne put achever, tant elle était consternée par cette étrange visite.

Le père Laplante, qui était près de là arriva aussitôt, et resta aussi stupéfait que sa femme.

— Je voudrais vous parler seul, M. Laplante, dit Mde Bernier, d’une voix affaiblie par l’émotion et la marche rapide, et elle suivit le bonhomme qui entra machinalement au salon, n’étant pas encore revenu de sa surprise.

M. Laplante, commença-t-elle, quand la porte fut refermée. Je viens vous parler au sujet de ma fille. Elle n’aime pas votre garçon et elle ne veut pas consentir à l’épouser.

Cependant son père menace de la maudire, si elle ne fait pas sa volonté, et la pauvre enfant se meurt de frayeur et de chagrin.

Je sais que vous êtes un honnête homme, et je ne doute pas qu’en apprenant ces détails que mon mari n’a sans doute pas jugé à propos de vous raconter, vous retiriez la demande que vous avez faite pour votre fils, et je ne crois pas que ce dernier veuille consentir à épouser de force, une jeune fille qui ne veut pas de lui.