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LES DEUX TESTAMENTS

tous les jeunes filles, elle hésite un peu avant de s’engager définitivement.

— Oh, je comprends cela. Dans tous les cas, nous ne sommes pas absolument pressés.

On ne doit jamais trop hâter ces choses là. Il faut donner à ces jeunes gens le temps de réfléchir avant de s’engager pour la vie.

— Vous avez bien raison, père Laplante.

Mais à part des hésitations assez naturelles de Marie-Louise, il y a une autre chose qui me tracasse parfois.

— Quoi donc ? Vous m’inquiétez :

— Ma femme ne veut pas entendre parler de marier sa fille. Elle veut la garder auprès d’elle, à ce qu’elle dit.

— Mais c’est ridicule, cela. Vouloir faire une vieille fille de cette charmante enfant. Et pourquoi, cela ? A-t-elle une raison au moins ?

— Non, elle ne semble pas en avoir de définie. Je ne sais pas ce qu’elle a, ma femme, depuis quelques temps. Elle, toujours si raisonnable, si sage, semble devenir de plus en plus capricieuse et revêche.

— C’est bien étrange, vraiment. Elle n’est pourtant pas âgée, votre femme. Elle ne doit guère dépasser la quarantaine.

— Elle a justement quarante et un ans. Non, ce n’est pas l’âge qui l’affecte bien certainement, car elle est encore jeune.

— Dans tous les cas, puisque Marie-Louise aime mon garçon, nous pourrons toujours les fiancer.

— Je le désirerais bien et je vais faire mon possible pour convaincre Marie-Louise qu’elle n’est pas tenue d’écouter sa mère dans cette affaire.

Quand le bonhomme Laplante fut parti, Bernier se mit à réfléchir profondément.

Il commençait à se sentir embarrassé et indécis, car il comprenait bien que les choses ne pouvaient marcher bien longtemps de ce train.

— Il faut que Marie-Louise consente, se dit-il avec rage, et il faut que sa mère la laisse tranquille, enfin. C’est elle qui a fait échouer mon projet jusqu’à ce jour. Quelle prenne garde, ou je saurai me venger.

En ce moment. Marie-Louise entra dans le salon.

Elle était pâle et triste, mais calme.

Sans remarquer son père qui était assis dans un coin obscur, elle se