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LES DEUX TESTAMENTS

pitié de lui, mais l’émotion semblait l’étouffer.

En ce moment, la voix de Mde Prévost retentit claire et sonore dans la nuit.

— Marie Louise, Marie Louise ! arrive donc, et laisse ton châle si tu ne peux le trouver. Il fait froid et humide et tu vas sûrement t’enrhumer.

Alors, pour un instant, Joe oublia tout, excepté qu’il était là, seule avec Marie Louise ; qu’il l’aimait à l’adoration, qu’elle allait partir le lendemain et qu’il ne la reverrait jamais, peut être. Et ne pouvant plus se contenir, il l’attira contre lui et déposa un long et brûlant baiser sur ses lèvres en lui murmurant tout bas.

— Marie Louise, mon ange, ma bien aimée, mon adorée, je vous aime !

Ne m’oubliez pas !

— Marie Louise ! cria encore la voix de Mde Prévost.

Comme dans un rêve, il suivit machinalement Marie Louise qui rentra précipitamment dans la maison toute confuse et tremblante.

Quand Marie Louise fut rentrée dans sa chambre, au lieu de se coucher tout de suite comme le lui avait recommandé sa cousine, elle se jeta sur une chaise et cacha son visage dans ses mains, en proie à une agitation terrible.

Son cœur battait avec violence ; ses joues étaient brûlantes.

Partagée comme elle l’était entre la bonté, la crainte et l’indignation, un autre sentiment plus puissant venait dominer les autres par moment, et faisait redoubler les palpitations de son cœur.

Elle croyait sentir l’étreinte soudaine de Joe et le feu du baiser qu’il avait déposé sur ses lèvres. Elle se rappelait alors avec terreur que sa première impulsion avait été de cacher son visage contre l’épaule du jeune homme, et elle se demandait avec angoisse s’il avait pu remarquer ce mouvement.

Un instant, elle s’accusait d’avoir été imprudente et hardie en se rendant, comme elle l’avait fait, au fond du jardin obscur.

— Il m’aura prise pour une fille sans réserve, accoutumée à ces choses là, se disait-elle en versant des larmes de rage et de honte.

Puis sa colère se tournait subitement contre le jeune homme.

— Il faut qu’il soit bien villain et bien audacieux pour avoir osé faire cela. Un garçon respectable n’aurait jamais agi de la sorte. Est-ce que je lui avait donné de l’encouragement, moi ? J’aurais dû lui