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LES DEUX TESTAMENTS

— Vous avez raison ma cousine.

Allons-y donc ce soir, car je ne voudrais pas partir sans les voir une fois, ils ont été si aimable pour moi, surtout la jeune fille pour qui je me ressens beaucoup d’amitié.

— Cela ne m’étonne pas, car Emma est une fille que tout le monde aime, mais nous ferons mieux de partir tout de suite car il est déjà huit heures. Viens-tu vieux ? demanda t-elle en s’approchant de son mari qui continuait à fumer sur le perron.

— Oh non, vieille ! répondit-il, en s’étirant les bras paresseusement. J’aime mieux rester où je suis. Allez-y sans moi.

Si Joe eut osé exprimé sa pensée en ce moment il aurait déclaré que M. Prévost était l’homme le plus égoïste et le plus paresseux de la terre, mais il se contenta de l’invectiver en lui-même, et faisant fortune contre bon cœur, il partit pour chez les Bonneville avec une dame à chaque bras et il dût se contenter d’être amusé par le persiflage de Mde Prévost au lieu de jouir du tête-à-tête qu’il aurait tant désiré.

Ce soir là, Emma était seule à la maison, car le reste de la famille s’était rendu à la chapelle afin d’assister à l’office du mois de Marie.

La nouvelle du départ prochain de Marie Louise la combla de joie, bien qu’elle sut dissimuler ce sentiment en exprimant des regrets polis.

La pauvre enfant se disait que Marie Louise, une fois partie, Joe l’oublierait peut-être, et l’espérance de voir revenir à elle celui qu’elle aimait tant, faisait bondir son cœur.

Cependant les autres membres de la famille revinrent de l’église et avant que la soirée fut bien avancée, Mde Prévost déclara qu’il était temps de partir, car Marie Louise et elle devaient se lever de bonne heure le lendemain, pour s’occuper des préparatifs du départ de cette dernière.

En retournant à la maison, Joe se sentait devenir de plus en plus triste en songeant que c’était la dernière fois probablement qu’il devait marcher ainsi avec Marie Louise, et sentir le contact de la petite main qui s’appuyait si doucement sur son bras.

Le lendemain matin, il se réveilla avec la désolante pensée que cette journée était la dernière que Marie Louise devait passer tout entière à New York. Cette pensée le préoccupa toute la journée, au magasin.

Il aurait voulu trouver une excuse pour retourner à la maison, afin de jouir de la présence de sa