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amour vainqueur

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légère brise, sous le firmament dans la direction du soleil sur le point de disparaître derrière les montagnes.

C’était partout silence : seuls les cris de l’alouette, le ronflement de la grenouille et des wawarons, venaient troubler la solitude du rivage de la rivière.

Rogers détacha la chaloupe ancrée selon l’habitude, et tous deux prirent place ; Rogers tenait les avirons !

Les lignes étaient tendues, M. le Curé chargeait les pipes de tabac.

Une petite prière, mon enfant, dit M. le Curé, pour bénir le Seigneur et demander de nous protéger contre les accidents. Tous deux agenouillés dans la chaloupe, glissant légèrement sur les eaux, prièrent quelques instants.

M. le Curé essaya de ramener la gaieté dans le cœur de son neveu, et se montra d’une affabilité plus qu’ordinaire ; Rogers s’efforçait de témoigner beaucoup d’intérêt au récit des histoires drôles que M. le Curé lui racontait et qu’il essayait d’enjoliver ! Mais quel glaive, dans son cœur ! quel combat se livrait en cette âme de jeune homme dont on voulait faire un prêtre, uniquement parce qu’il était bon et affectueux ! Il pleuvait à verse dans le cœur de Rogers, qui se voyant les avirons dans les mains, mêmes qui avaient conduit les avirons de l’embarcation où était assise devant lui, sa chère Ninie, sa chère amie dont il n’avait pu s’expliquer l’indifférence ou la séparation, sur les eaux du Lac Témiscamingue se livrait à de sérieuses réflexions !

Quel contraste saisissant pour lui entre ces deux scènes !

Le beau lac Témiscamingue, se disait-il ! Toi, tu m’as rendu au cœur de la joie, du bonheur ! tu as empreint dans mon âme, des souvenirs qu’aucune figure ni par ses attraits, ni par ses beautés, ne saurait effacer ! Tu m’as fait goûter les heures les plus douces, les plus agréables de ma vie ! Qu’elle était belle ! Qu’elle était bonne ! Qu’elle était douce, la jeune fille assise dans ma chaloupe ! Qu’il était délicat le parfum qui s’exhalait des roses qu’elle tenait dans ses mains ! Qu’il était bien fait le bouquet qu’elle fixa à mon habit !

Qu’elles étaient douces fraîches et vermeilles, les joues de celle qui reçut de moi, et mon premier baiser et mes pre-