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amour vainqueur

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mur, sur laquelle, rien, aucun objet ne se trouvait pour apporter de la distraction au prisonnier ; il faisait froid ! très froid ! Une lourde porte mue automatiquement se referma sur ce prisonnier !

Rogers resta étendu sur son grabat et pensif :

Me voilà en prison ! C’est cela, la prison de Bordeaux ! Du matin au soir, du soir au matin, le régime veut que les prisonniers, n’ayant pas encore reçu leur sentence, attendent dans ce calme, dans cette solitude, dans le silence, le sort qui leur est réservé. Que faire ? se demandait Rogers. Même, il n’est pas permis de travailler. Seule, la pensée dont on ne peut arrêter les mouvements, vole et parcourt les plaines et les villes, visite les parents et les amis.

Mais, en ai-je, se demanda, Rogers, des parents, des amis ?

Pourtant, il me semble que j’ai été bon pour certains compagnons ? Viendront-ils m’apporter du tabac, des cigares ? Viendront-ils m’apporter de quoi me nourrir ? Car les prisonniers non sentencés, ont droit de recevoir la nourriture que leurs parents ou amis leur apportent. Qui viendra me voir ? Qui m’apportera une parole de consolation ?

Si l’on reproche, à Sir Lomer Gouin, d’avoir fait de la prison de Bordeaux, un palais luxueux, c’est à tort. En effet, la prison de Bordeaux, a des corridors en marbre ! Mais le régime est un des vestiges de la barbarie du moyen-âge. Le régime de la prison, n’est pas un régime qui punit, mais un régime qui tue ! se disait Rogers.

Il n’est pas surprenant d’apprendre que l’homme intelligent qu’on enferme à Bordeaux, en sort pour être conduit à l’asile, ou dans son tombeau !

Quel débarras pour la Société, se dit-on parfois ! S’il fallait que la justice s’applique à débarrasser la société, s’il fallait retrancher du rang de la société tous ceux qui sont censés lui nuire ou qui n’accomplissent pas leurs devoirs, peut-être la prison de Bordeaux se verrait trop restreinte pour recevoir tous ses pensionnaires ! et encore, la verrions-nous peut-être sans Gouverneur !…

Rogers passa de longues heures à souffrir du froid, de la faim, de la solitude. C’est la nuit, tout le temps ! Inutile de