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amour vainqueur

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elle se plongea chaque jour, dans de longues heures de méditations ; ses vacances se terminaient bientôt.

Devait-elle signifier le congé à M. Burrage ?

Devait-elle décliner l’honneur de recevoir ses visites ? Devait-elle retourner à son emploi, à Montréal, où elle aurait constamment le chagrin d’avoir sous les yeux, cette autre jeune fille qui lui avait ravi tout son bonheur, toutes ses espérances, son Rogers !

Devait-elle consentir à l’invitation de ses parents, de demeurer à Guignes, et de jouir de la tranquillité, du calme et du repos ?

Ninie était toute occupée à résoudre cette question de sa nouvelle orientation lorsque, ne pouvant plus contenir tout le chagrin qui l’accablait, elle tomba, privée de connaissances, la figure baignée de larmes, affaissée sur elle-même, au pied du gros pin ombrageant le jardin de sa mère, et où elle avait pris l’habitude d’aller rêver, écrire ou faire ses lectures ; elle tenait à la main, un crayon et un morceau de papier sur lequel, trois mots étaient écrits seulement, c’était le commencement de sa lettre : Mon cher Rogers,

Sa mère, attirée, par le cri qu’elle poussa, sous la douleur qu’elle ressentit au cœur, la trouva dans un grand état de faiblesse, et parvint à la ramener à sa chambre ; et là, Ninie poussa une triste plainte avec Victor Hugo :


Les champs n’étaient point noirs, les cieux n’étaient point mornes
Non, le jour rayonnait dans un azur sans borne.
xxxxxxxxSur la terre, étendu,
L’air était plein d’encens et les prés de verdure
Quand il revit ces lieux où par tant de blessures
xxxxxxxxSon cœur s’est répandu.

L’automne souriait ; les côteaux vers la plaine
Penchaient leurs bois charmants qui jaunissaient à peine ;
xxxxxxxxLe ciel était doré ;
Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme,
Disant peut-être à Dieu quelque chose de l’homme,
xxxxxxxxChantaient leur chant sacré.