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Elle est la norme par excellence et, par suite, ne saurait rien contenir d’anormal.

Il est vrai que, couramment, on entend aussi par santé un état généralement préférable à la maladie. Mais cette définition est contenue dans la précédente. Si, en effet, les caractères dont la réunion forme le type normal ont pu se généraliser dans une espèce, ce n’est pas sans raison. Cette généralité est elle-même un fait qui a besoin d’être expliqué et qui, pour cela, réclame une cause. Or elle serait inexplicable si les formes d’organisation les plus répandues n’étaient aussi, du moins dans leur ensemble, les plus avantageuses. Comment auraient-elles pu se maintenir dans une aussi grande variété de circonstances si elles ne mettaient les individus en état de mieux résister aux causes de destruction ? Au contraire, si les autres sont plus rares, c’est évidemment que, dans la moyenne des cas, les sujets qui les présentent ont plus de difficulté à survivre. La plus grande fréquence des premières est donc la preuve de leur supériorité[1].

  1. M. Garofalo a essayé, il est vrai, de distinguer le morbide de l’anormal (Criminologie, p.109, 110). Mais les deux seuls arguments sur lesquels il appuie cette distinction sont les suivants : lo Le mot de maladie signifie toujours quelque chose qui tend à la destruction totale ou partielle de l’organisme ; s’il n’y a pas destruction, il y a guérison, jamais stabilité comme dans plusieurs anomalies. Mais nous venons de voir que l’anormal, lui aussi, est une menace pour le vivant dans la moyenne des cas. Il est vrai qu’il n’en est pas toujours ainsi ; mais les dangers qu’implique la maladie n’existent également que dans la généralité des circonstances. Quant à l’absence de stabilité qui distinguerait le morbide, c’est oublier les maladies chroniques et séparer radicalement le tératologique du pathologique. Les monstruosités sont fixes. 2o Le normal et l’anormal varient avec les races, dit-on, tandis que