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diathèses qui sont indolores, alors que des troubles sans importance, comme ceux qui résultent de l’introduction d’un grain de charbon dans l’œil, causent un véritable supplice. Même, dans certains cas, c’est l’absence de douleur ou bien encore le plaisir qui sont les symptômes de la maladie. Il y a une certaine disvulnérabilité qui est pathologique. Dans des circonstances où un homme sain souffrirait, il arrive au neurasthénique d’éprouver une sensation de jouissance dont la nature morbide est incontestable. Inversement, la douleur accompagne bien des états, comme la faim, la fatigue, la parturition qui sont des phénomènes purement physiologiques.

Dirons-nous que la santé, consistant dans un heureux développement des forces vitales, se reconnaît à la parfaite adaptation de l’organisme avec son milieu, et appellerons-nous, au contraire, maladie tout ce qui trouble cette adaptation ? Mais d’abord — nous aurons plus loin à revenir sur ce point — il n’est pas du tout démontré que chaque état de l’organisme soit en correspondance avec quelque état externe. De plus, et quand bien même ce critère serait vraiment distinctif de l’état de santé, il aurait lui-même besoin d’un autre critère pour pouvoir être reconnu ; car il faudrait, en tout cas, nous dire d’après quel principe on peut décider que tel mode de s’adapter est plus parfait que tel autre.

Est-ce d’après la manière dont l’un et l’autre affectent nos chances de survie ? La santé serait l’état d’un organisme où ces chances sont à leur maximum et la maladie, au contraire, tout ce qui a pour effet de les diminuer. Il n’est pas douteux, en effet, que, en général, la maladie n’ait réellement pour consé-