nous les recevons et les adoptons parce que, étant à la fois une œuvre collective et une œuvre séculaire, elles sont investies d’une particulière autorité que l’éducation nous a appris à reconnaître et à respecter. Or il est à noter que l’immense majorité des phénomènes sociaux nous vient par cette voie. Mais alors même que le fait social est dû, en partie, à notre collaboration directe, il n’est pas d’une autre nature. Un sentiment collectif, qui éclate dans une assemblée, n’exprime pas simplement ce qu’il y avait de commun entre tous les sentiments individuels. Il est quelque chose de tout autre, comme nous l’avons montré. Il est une résultante de la vie commune, un produit des actions et des réactions qui s’engagent entre les consciences individuelles ; et s’il retentit dans chacune d’elles, c’est en vertu de l’énergie spéciale qu’il doit précisément à son origine collective. Si tous les cœurs vibrent à l’unisson, ce n’est pas par suite d’une concordance spontanée et préétablie ; c’est qu’une même force les meut dans le même sens. Chacun est entraîné par tous.
Nous arrivons donc à nous représenter, d’une manière précise, le domaine de la sociologie. Il ne comprend qu’un groupe déterminé de phénomènes. Un fait social se reconnaît au pouvoir de coercition externe qu’il exerce ou est susceptible d’exercer sur les individus ; et la présence de ce pouvoir se reconnaît à son tour soit à l’existence de quelque sanction déterminée, soit à la résistance que le fait oppose à toute entreprise individuelle qui tend à lui faire violence. Cependant, on peut le définir aussi par la diffusion qu’il présente à l’intérieur du groupe, pourvu que, suivant les remarques précédentes, on