production du phénomène s’y neutralisent mutuellement et, par suite, ne contribuent pas à le déterminer. Ce qu’il exprime, c’est un certain état de l’âme collective.
Voilà ce que sont les phénomènes sociaux, débarrassés de tout élément étranger. Quant à leurs manifestations privées, elles ont bien quelque chose de social, puisqu’elles reproduisent en partie un modèle collectif ; mais chacune d’elles dépend aussi, et pour une large part, de la constitution organico-psychique de l’individu, des circonstances particulières dans lesquelles il est placé. Elles ne sont donc pas des phénomènes proprement sociologiques. Elles tiennent à la fois aux deux règnes ; on pourrait les appeler socio-psychiques. Elles intéressent le sociologue sans constituer la matière immédiate de la sociologie. On trouve de même à l’intérieur de l’organisme des phénomènes de nature mixte qu’étudient des sciences mixtes, comme la chimie biologique.
Mais, dira-t-on, un phénomène ne peut être collectif que s’il est commun à tous les membres de la société ou, tout au moins, à la plupart d’entre eux, partant, s’il est général. Sans doute, mais s’il est général, c’est parce qu’il est collectif (c’est-à-dire plus ou moins obligatoire), bien loin qu’il soit collectif parce qu’il est général. C’est un état du groupe, qui se répète chez les individus parce qu’il s’impose à eux. Il est dans chaque partie parce qu’il est dans le tout, loin qu’il soit dans le tout parce qu’il est dans les parties. C’est ce qui est surtout évident de ces croyances et de ces pratiques qui nous sont transmises toutes faites par les générations antérieures ;