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sûr de n’avoir pas laissé échapper quelque antécédent qui concorde ou qui diffère comme le conséquent, en même temps et de la même manière que l’unique antécédent connu. Cependant, quoique l’élimination absolue de tout élément adventice soit une limite idéale qui ne peut être réellement atteinte, en fait, les sciences physico-chimiques et même les sciences biologiques s’en rapprochent assez pour que, dans un grand nombre de cas, la démonstration puisse être regardée comme pratiquement suffisante. Mais il n’en est plus de même en sociologie par suite de la complexité trop grande des phénomènes, jointe à l’impossibilité de toute expérience artificielle. Comme on ne saurait faire un inventaire, même à peu près complet, de tous les faits qui coexistent au sein d’une même société ou qui se sont succédé au cours de son histoire, on ne peut jamais être assuré, même d’une manière approximative, que deux peuples concordent ou diffèrent sous tous les rapports, sauf un. Les chances de laisser un phénomène se dérober sont bien supérieures à celles de n’en négliger aucun. Par conséquent, une pareille méthode de démonstration ne peut donner naissance qu’a des conjectures qui, réduites à elles seules, sont presque dénuées de tout caractère scientifique.

Mais il en est tout autrement de la méthode des variations concomitantes. En effet, pour qu’elle soit démonstrative, il n’est pas nécessaire que toutes les variations différentes de celles que l’on compare aient été rigoureusement exclues. Le simple parallélisme des valeurs par lesquelles passent les deux phénomènes, pourvu qu’il ait été établi dans un nombre suffisant de cas suffisamment variés, est la preuve