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l’avenir ? Enfin, la loi qui domine la sociologie de M. Spencer ne parait pas être d’une autre nature. Fût-il vrai que nous tendons actuellement à chercher notre bonheur dans une civilisation industrielle, rien n’assure que, dans la suite, nous ne le chercherons pas ailleurs. Or, ce qui fait la généralité et la persistance de cette méthode, c’est qu’on a vu le plus souvent dans le milieu social un moyen par lequel le progrès se réalise, non la cause qui le détermine.

D’un autre côté, c’est également par rapport à ce même milieu que se doit mesurer la valeur utile ou, comme nous avons dit, la fonction des phénomènes sociaux. Parmi les changements dont il est la cause, ceux-là servent qui sont en rapport avec l’état où il se trouve, puisqu’il est la condition essentielle de l’existence collective. À ce point de vue encore, la conception que nous venons d’exposer est, croyons-nous, fondamentale ; car, seule, elle permet d’expliquer comment le caractère utile des phénomènes sociaux peut varier sans pourtant dépendre d’arrangements arbitraires. Si, en effet, on se représente l’évolution historique comme mue par une sorte de vis a tergo qui pousse les hommes en avant, puisqu’une tendance motrice ne peut avoir qu’un but et qu’un seul, il ne peut y avoir qu’un point de repère par rapport auquel on calcule l’utilité ou la nocivité des phénomènes sociaux. Il en résulte qu’il n’existe et ne peut exister qu’un seul type d’organisation sociale qui convienne parfaitement à l’humanité, et que les différentes sociétés historiques ne sont que des approximations successives de cet unique modèle. Il n’est pas nécessaire de montrer combien un pareil simplisme est aujourd’hui inconciliable avec la variété