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fait voir qu’ils servent à quelque fin. Quand on a bien prouvé que les organisations sociales de plus en plus savantes qui se sont succédé au cours de l’histoire ont eu pour effet de satisfaire toujours davantage tel ou tel de nos penchants fondamentaux, on n’a pas fait comprendre pour autant comment elles se sont produites. Le fait qu’elles étaient utiles ne nous apprend pas ce qui les a fait être. Alors même qu’on s’expliquerait comment nous sommes parvenus à les imaginer, à en faire comme le plan par avance de manière à nous représenter les services que nous en pouvions attendre — et le problème est déjà difficile — les vœux dont elles pouvaient être ainsi l’objet n’avaient pas la vertu de les tirer du néant. En un mot, étant admis qu’elles sont les moyens nécessaires pour atteindre le but poursuivi, la question reste tout entière : Comment, c’est-à-dire de quoi et par quoi ces moyens ont-ils été constitués ?

Nous arrivons donc à la règle suivante : La cause déterminante d’un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de la conscience individuelle. D’autre part, on conçoit aisément que tout ce qui précède s’applique à la détermination de la fonction, aussi bien qu’à celle de la cause. La fonction d’un fait social ne peut être que sociale, c’est-à-dire qu’elle consiste dans la production d’effets socialement utiles. Sans doute, il peut se faire, et il arrive en effet, que, par contre-coup, il y serve aussi à l’individu. Mais ce résultat heureux n’est pas sa raison d’être immédiate. Nous pouvons donc compléter la proposition précédente en disant : La fonction d’un, fait social doit toujours être recherchée dans le rapport qu’il soutient avec quelque fin sociale.