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entre le vivant organisé et le simple plastide, entre celui-ci et les molécules inorganiques qui le composent, sinon des différences d’association ? Tous ces êtres, en dernière analyse, se résolvent en éléments de même nature ; mais ces éléments sont, ici, juxtaposés, là, associés ; ici, associés d’une manière, là, d’une autre. On est même en droit de se demander si cette loi ne pénètre pas jusque dans le monde minéral et si les différences qui séparent les corps inorganisés n’ont pas la même origine.

En vertu de ce principe, la société n’est pas une simple somme d’individus, mais le système formé par leur association représente une réalité spécifique qui a ses caractères propres. Sans doute, il ne peut rien se produire de collectif si des consciences particulières ne sont pas données ; mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante. Il faut encore que ces consciences soient associées, combinées, et combinées d’une certaine manière ; c’est de cette combinaison que résulte la vie sociale et, par suite, c’est cette combinaison qui l’explique. En s’agrégeant, en se pénétrant, en se fusionnant, les âmes individuelles donnent naissance à un être, psychique si l’on veut, mais qui constitue une individualité psychique d’un genre nouveau[1]. C’est donc dans la nature de cette

  1. Voilà dans quel sens et pour quelles raisons on peut et on doit parler d’une conscience collective distincte des consciences individuelles. Pour justifier cette distinction, il n’est pas nécessaire d’hypostasier la première ; elle est quelque chose de spécial et doit être désignée par un terme spécial, simplement parce que les états qui la constituent diffèrent spécifiquement de ceux qui constituent les consciences particulières. Cette spécificité leur vient de ce qu’ils ne sont pas formés des mêmes éléments. Les uns, en effet, résultent de la