Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout le reste de sa classification. On y voit rapprochées, dans la plus étonnante confusion, les sociétés les plus disparates, les Grecs homériques mis à côté des fiefs du Xe siècle et au-dessous des Bechuanas, des Zoulous et des Fidjiens, la confédération athénienne à côté des fiefs de la France du XIIIe siècle et au-dessous des Iroquois et des Araucaniens.

Le mot de simplicité n’a de sens défini que s’il signifie une absence complète de parties. Par société simple, il faut donc entendre toute société qui n’en renferme pas d’autres, plus simples qu’elle ; qui non seulement est actuellement réduite à un segment unique, mais encore qui ne présente aucune trace d’une segmentation antérieure. La horde, telle que nous l’avons définie ailleurs[1], répond exactement à cette définition. C’est un agrégat social qui ne comprend et n’a jamais compris dans son sein aucun autre agrégat plus élémentaire, mais qui se résout immédiatement en individus. Ceux-ci ne forment pas, à l’intérieur du groupe total, des groupes spéciaux et différents du précédent ; ils sont juxtaposés atomiquement. On conçoit qu’il ne puisse pas y avoir de société plus simple ; c’est le protoplasme du règne social et, par conséquent, la base naturelle de toute classification.

Il est vrai qu’il n’existe peut-être pas de société historique qui réponde exactement à ce signalement ; mais, ainsi que nous l’avons montré dans le livre déjà cité, nous en connaissons une multitude qui sont formées, immédiatement et sans autre intermédiaire, par une répétition de hordes. Quand la

  1. Division du travail social, p. 189.