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type social, un certain niveau qu’il n’est peut-être pas impossible de fixer conformément aux règles précédentes[1].

Nous voilà en présence d’une conclusion, en apparence, assez paradoxale. Car il ne faut pas s’y méprendre. Classer le crime parmi les phénomènes de sociologie normale, ce n’est pas seulement dire qu’il est un phénomène inévitable quoique regrettable, dû à l’incorrigible méchanceté des hommes ; c’est affirmer qu’il est un facteur de la santé publique, une partie intégrante de toute société saine. Ce résultat est, au premier abord, assez surprenant pour qu’il nous ait nous-même déconcerté et pendant longtemps. Cependant, une fois que l’on a dominé cette première impression de surprise, il n’est pas difficile de trouver les raisons qui expliquent cette normalité et, du même coup, la confirment.

En premier lieu, le crime est normal parce qu’une société qui en serait exempte est tout à fait impossible.

Le crime, nous l’avons montré ailleurs, consiste dans un acte qui offense certains sentiments collectifs, doués d’une énergie et d’une netteté particulières. Pour que, dans une société donnée, les actes réputés criminels pussent cesser d’être commis, il faudrait donc que les sentiments qu’ils blessent se retrouvassent dans toutes les consciences indivi-

  1. De ce que le crime est un phénomène de sociologie normale, il ne suit pas que le criminel soit un individu normalement constitué au point de vue biologique et psychologique. Les deux questions sont indépendantes l’une de l’autre. On comprendra mieux cette indépendance, quand nous aurons montré plus loin la différence qu’il y a entre les faits psychiques et les faits sociologiques.