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plantes de l’espèce totémique, ou à conférer aux novices les qualités nécessaires pour qu’ils deviennent membres réguliers de la société des hommes[1]. De ce point de vue, l’Intichiuma apparaît sous un aspect nouveau. Ce n’est plus un mécanisme rituel distinct, reposant sur des principes qui lui sont propres, mais une application particulière de cérémonies plus générales et qui peuvent être utilisées en vue de fins très différentes. C’est pourquoi, dans leur nouvel ouvrage, avant de parler de l’Intichiuma et de l’initiation, ils consacrent un chapitre spécial aux cérémonies totémiques en général, abstraction faite des formes diverses qu’elles peuvent prendre suivant les fins pour lesquelles elles sont employées[2].

Cette indétermination foncière des cérémonies totémiques n’avait été qu’indiquée par Spencer et Gillen et d’une manière assez indirecte ; mais elle vient d’être confirmée par Strehlow dans les termes les plus explicites. « Quand, dit-il, on fait passer les jeunes novices par les différentes fêtes de l’initiation, on exécute devant eux une série de cérémonies qui, tout en reproduisant jusque dans leurs détails les plus caractéristiques, les rites du culte proprement dit (entendez les rites que Spencer et Gillen appellent Intichiuma) n’ont cependant pas pour but de multiplier et de faire prospérer le totem correspondant[3]. » C’est donc la même cérémonie qui sert dans les deux cas ; le nom seul n’est pas le même. Quand elle a spécialement pour objet la reproduction de l’espèce, on l’appelle mbatjalkatiuma et c’est seulement quand elle constitue un procédé d’initiation qu’on lui donnerait le nom d’Intichiuma[4].

  1. Nous laissons de côté la question de savoir en quoi ce caractère consiste. C’est un problème qui nous entraînerait dans des développements très longs et très techniques et qui, pour cette raison, demanderait à être traité à part. Il n’intéresse pas, d’ailleurs, les propositions qui sont établies au cours du présent ouvrage.
  2. C’est le chapitre VI intitulé Ceremonies connected with the totems.
  3. Strehlow, III, p. l-2.
  4. Ainsi s’expliquerait l’erreur que Strehlow reproche à Spencer et Gillen d’avoir commise : ils auraient appliqué à l’une des modalités du rite le terme qui convient plus spécialement à l’autre. Mais, dans ces conditions, l’erreur ne semble pas avoir la gravité que lui attribue Strehlow.