Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/541

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici, à titre d’exemple, en quoi consiste l’Intichiuma du Serpent noir, tel que l’ont observé Spencer et Gillen[1].

Une première cérémonie ne semble pas se référer au passé ; du moins, la description qu’on nous en donne n’autorise pas à l’interpréter dans ce sens. Elle consiste en courses et en sauts qu’exécutent deux officiants, décorés de dessins qui représentent le serpent noir. Quand, enfin, ils tombent épuisés sur le sol, les assistants passent doucement la main sur les dessins emblématiques dont le dos des deux acteurs est recouvert. On dit que ce geste plaît au serpent noir. — C’est seulement ensuite que commence la série des cérémonies commémoratives.

Elles mettent en action l’histoire mythique de l’ancêtre Thalaualla, depuis qu’il est sorti du sol jusqu’au moment ou il y est définitivement rentré. Elles le suivent à travers tous ses voyages. Dans chacune des localités où il a séjourné, il a, d’après le mythe, célébré des cérémonies totémiques ; on les répète dans l’ordre même où elles passent pour s’être succédé à l’origine. Le mouvement qui revient le plus fréquemment consiste en une sorte de trémoussement rythmé et violent du corps tout entier ; c’est que l’ancêtre s’agitait ainsi aux temps mythiques pour faire sortir de lui les germes de vie qui y étaient inclus. Les acteurs ont la peau couverte d’un duvet qui, par suite de ces secousses, se détache et s’envole ; c’est une manière de figurer l’envolée de ces germes mystiques et leur dispersion dans l’espace.

On se rappelle que, chez les Arunta, la place où se déroule la cérémonie est rituellement déterminée : c’est l’endroit où se trouvent les rochers, les arbres, les trous d’eau sacrés, et il faut que les fidèles s’y transportent pour célébrer le culte. Chez les Warramunga, au contraire, le terrain cérémoniel est choisi arbitrairement pour des

  1. North. Tr., p. 300 et suiv.