Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’au-delà. Il est d’autant plus fondé à ne pas douter de son rite sur la foi d’un fait contraire que la valeur en est ou en paraît établie par un nombre plus considérable de faits concordants. D’abord, l’efficacité morale de la cérémonie est réelle et elle est directement éprouvée par tous ceux qui y participent ; il y a là une expérience, constamment renouvelée, et dont aucune expérience contradictoire ne vient affaiblir la portée. De plus, l’efficacité physique elle-même n’est pas sans trouver dans les données de l’observation objective une confirmation au moins apparente. Il est normal, en effet, que l’espèce totémique se reproduise régulièrement ; tout se passe donc, dans la très grande généralité des cas, comme si les gestes rituels avaient réellement produit les effets qu’on en attendait. Les échecs sont l’exception. Comme les rites, surtout ceux qui sont périodiques, ne demandent rien d’autre à la nature que de suivre son cours régulier, il n’est pas surprenant que, le plus souvent, elle ait l’air de leur obéir. Ainsi, s’il arrive au croyant de se montrer indocile à certaines leçons de l’expérience, c’est en se fondant sur d’autres expériences qui lui paraissent plus démonstratives. Le savant ne fait pas autrement ; il y met plus de méthode.


La Magie n’est donc pas, comme l’a soutenu Frazer[1], un fait premier dont la religion ne serait qu’une forme dérivée. Tout au contraire, c’est sous l’influence d’idées religieuses que se sont constitués les préceptes sur lesquels repose l’art du magicien, et c’est seulement par une extension secondaire qu’ils ont été appliqués à des relations purement laïques. Parce que toutes les forces de l’univers ont été conçues sur le modèle des forces sacrées, la contagiosité inhérente aux secondes fut étendue aux premières et l’on crut que, dans des conditions déterminées, toutes les propriétés des corps pouvaient se trans-

  1. Golden Bough2 I, p. 69-75.