Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/520

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de considérer le principe sur lequel elles reposent sous sa forme générale et abstraite, replaçons-le dans le milieu moral dont il fait partie et où nous venons de l’observer, rattachons-le à l’ensemble d’idées et de sentiments dont procèdent les rites où il est appliqué, et nous pourrons mieux apercevoir les causes dont il résulte.

Les hommes qui se réunissent à l’occasion de ces rites croient réellement être des animaux ou des plantes de l’espèce dont ils portent le nom. Ils se sentent une nature ou végétale ou animale, et c’est elle qui constitue, à leurs yeux, ce qu’il y a de plus essentiel et de plus excellent en eux. Une fois assemblés, leur premier mouvement doit donc être de s’affirmer les uns aux autres cette qualité qu’ils s’attribuent et par laquelle ils se définissent. Le totem est leur signe de ralliement : pour cette raison, comme nous l’avons vu, ils le dessinent sur leur corps ; mais il est non moins naturel qu’ils cherchent à lui ressembler par leurs gestes, leurs cris, leur attitude. Puisqu’ils sont des émous ou des kangourous, ils se comporteront donc comme des animaux du même nom. Par ce moyen, ils se témoignent mutuellement qu’ils sont membres de la même communauté morale et ils prennent conscience de la parenté qui les unit. Cette parenté, le rite ne se borne pas à l’exprimer ; il la fait ou la refait. Car elle n’est qu’autant qu’elle est crue et toutes ces démonstrations collectives ont pour effet d’entretenir les croyances sur lesquelles elle repose. Ainsi, ces sauts, ces cris, ces mouvements de toute sorte, bizarres et grotesques en apparence, ont, en réalité, une signification humaine et profonde. L’Australien cherche à ressembler à son totem comme le fidèle des religions plus avancées chercher à ressembler à son Dieu. C’est, pour l’un comme pour l’autre, un moyen de communier avec l’être sacré, c’est-à-dire avec l’idéal collectif que ce dernier symbolise. C’est une première forme de l’ομοίωσιϛ τῷθεῷ.

Toutefois, comme cette première raison tient à ce qu’il