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Ces exercices épuisants se continuèrent jusqu’au matin sans interruption[1].

Les êtres vivants ne sont pas les seuls que l’on cherche à imiter. Dans un grand nombre de tribus, l’Intichiuma de la pluie consiste essentiellement en rites imitatifs. Un des plus simples est celui qui est célébré chez les Urabunna. Le chef du clan est assis par terre, tout décoré de duvet blanc et tenant dans ses mains une lance. Il s’agite de toutes les manières, sans doute pour détacher de son corps le duvet qui y est fixé et qui, répandu dans l’air, représente les nuages. Il imite ainsi les hommes-nuages de l’Alcheringa qui, d’après la légende, avaient l’habitude de monter au ciel pour y former des nuages d’où la pluie retombait ensuite. En un mot, tout le rite a pour objet de figurer la formation et l’ascension des nuages, porteurs de pluie[2].

Chez les Kaitish, la cérémonie est beaucoup plus compliquée. Déjà, nous avons parlé d’un des moyens employés : l’officiant verse de l’eau sur les pierres sacrées et sur lui-même. Mais l’action de cette sorte d’oblation est renforcée par d’autres rites. L’arc-en-ciel est considéré comme étroitement en rapports avec la pluie : on dit qu’il en est le fils et qu’il est toujours pressé de paraître pour la faire cesser. Pour qu’elle puisse tomber, il faut donc qu’il ne se montre pas ; on croit obtenir ce résultat en procédant de la manière suivante. Sur un bouclier, on exécute un dessin qui représente l’arc-en-ciel. On emporte ce bouclier au camp en ayant soin de le tenir dissimulé à tous les regards. On est convaincu qu’en rendant invisible cette image de l’arc-en-ciel, on empêche l’arc-en-ciel lui-même de se manifester. Entre temps, le chef du clan, ayant à ses côtés un pitchi plein d’eau, jette dans toutes les directions des flocons de duvet blanc qui représentent les nuages. Des imitations répétées du cri de pluvier viennent compléter la cérémonie qui paraît avoir une

  1. North. Tr., p. 310.
  2. Ibid., p. 285-286. Peut-être les mouvements de la lance ont-ils pour objet de percer les nuages.