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prendre le plus de gibier possible. Aux jours fériés, au contraire, ces préoccupations s’éclipsent obligatoirement ; essentiellement profanes, elles sont exclues des périodes sacrées. Ce qui occupe alors la pensée, ce sont les croyances communes, les traditions communes, les souvenirs des grands ancêtres, l’idéal collectif dont ils sont l’incarnation ; en un mot, ce sont des choses sociales. Même les intérêts matériels que les grandes cérémonies religieuses ont pour objet de satisfaire, sont d’ordre public, partant social. La société tout entière est intéressée à ce que la récolte soit abondante, à ce que la pluie tombe à temps et sans excès, à ce que les animaux se reproduisent régulièrement. C’est donc elle qui est au premier plan dans les consciences ; c’est elle qui domine et dirige la conduite ; ce qui revient à dire qu’elle est alors plus vivante, plus agissante, et, par conséquent, plus réelle qu’en temps profane. Ainsi, les hommes ne s’abusent pas quand ils sentent à ce moment qu’il y a, en dehors d’eux, quelque chose qui renaît, des forces qui se raniment, une vie qui se réveille. Ce renouveau n’est nullement imaginaire, et les individus eux-mêmes en bénéficient. Car la parcelle d’être social que chacun porte en soi participe nécessairement de cette rénovation collective. L’âme individuelle se régénère, elle aussi, en se retrempant à la source même d’où elle tient la vie ; par suite, elle se sent plus forte, plus maîtresse d’elle-même, moins dépendante des nécessités physiques.

On sait que le culte positif tend naturellement à prendre des formes périodiques ; c’est un de ses caractères distinctifs. Sans doute, il y a des rites que l’homme célèbre occasionnellement, pour faire face à des situations passagères. Mais ces pratiques épisodiques ne jouent jamais qu’un rôle accessoire, et même, dans les religions que nous étudions spécialement dans ce livre, elles sont presque exceptionnelles. Ce qui constitue essentiellement le culte, c’est le cycle des fêtes qui reviennent régulièrement à des époques déterminées. Nous sommes maintenant en état