Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont le clan a la garde, pour ainsi dire, et dont il dépend.

Les indigènes eux-mêmes donnent du rite, cette interprétation. Ainsi, dans le clan de l’ilpirla (sorte de manne) on procède de la manière suivante. Quand le jour de l’Intichiuma est arrivé, le groupe se réunit à un endroit ou se dresse une grande pierre, d’environ cinq pieds de haut ; au-dessus de cette pierre, s’en élève une seconde, qui est très semblable d’aspect à la première et que d’autres, plus petites, entourent. Les unes et les autres représentent des masses de manne. L’Alatunja creuse le sol au pied de ces rocs et met au jour un churinga qui passe pour y avoir été enterré aux temps de l’Alcheringa et qui, lui aussi, constitue comme de la quintessence de manne. Il grimpe ensuite au sommet du rocher le plus élevé et le frotte d’abord avec ce churinga, puis avec les pierres les plus petites qui sont tout autour. Enfin, avec des branches d’arbre, il balaye la poussière qui s’est ainsi amassée à la surface du rocher : chacun des assistants en fait autant à tour de rôle. Or, disent Spencer et Gillen, la pensée des indigènes « est que la poussière ainsi dispersée va se poser sur les arbres mulga et y produit de la manne ». Et en effet, ces opérations sont accompagnées d’un chant que chante l’assistance et où cette idée est exprimée[1].

Avec des variantes, on trouve le même rite dans d’autres sociétés. Chez les Urabunna, il y a un rocher qui représente un ancêtre du clan du Lézard ; on en détache des pierres qu’on lance dans tous les sens afin d’obtenir une abondante production de lézards[2]. Dans cette même tribu, il existe un banc de sable auquel des souvenirs mythologiques associent étroitement le totem du pou. Au même endroit se trouvent deux arbres dont l’un est appelé l’arbre à pou ordinaire, l’autre, l’arbre à pou-crabe. On prend de ce sable, on le frotte contre ces arbres, on le jette de tous les

  1. Nat. Tr., p. 185-186.
  2. North. Tr., p. 288.