Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chapitre Premier

DÉFINITION DU PHÉNOMÈNE RELIGIEUX
ET DE LA RELIGION[1]

Pour pouvoir rechercher quelle est la religion la plus primitive et la plus simple que nous fasse connaître l’observation, il nous faut tout d’abord définir ce qu’il convient d’entendre par une religion ; sans quoi, nous nous exposerions soit à appeler religion un système d’idées et de pratiques qui n’aurait rien de religieux, soit à passer à côté de faits religieux sans en apercevoir la véritable nature. Ce qui montre bien que le danger n’a rien d’imaginaire et qu’il ne s’agit nullement de sacrifier à un vain formalisme méthodologique, c’est que, pour n’avoir pas pris cette précaution, un savant, auquel la science comparée des religions doit pourtant beaucoup, M. Frazer, n’a pas su reconnaître le caractère profondément religieux des croyances et des rites qui seront étudiés plus loin et où nous voyons, quant à nous, le germe initial de la vie religieuse dans l’humanité. Il y a donc là une question préjudicielle qui doit être traitée avant toute autre. Non pas que nous puissions songer à atteindre dès à présent les caractères profonds et vraiment explicatifs de la religion ; on ne peut les

  1. Nous avions déjà essayé de définir le phénomène religieux dans un travail qu’a publié l’Année sociologique (L. III, p. 1 et suiv.). La définition que nous en avons donnée alors diffère, comme on verra, de celle que nous proposons aujourd’hui. Nous expliquons, à la fin de ce chapitre (p. 65, n. 1), les raisons qui nous ont déterminé à ces modifications qui n’impliquent, d’ailleurs, aucun changement essentiel dans la conception des faits.